L’Opep, pris au piège du schiste américain, prolonge l’accord de Vienne
Les membres de l’Organisation des pays producteur de pétrole (Opep) et leurs partenaires étaient réunis au début du mois de décembre à Vienne, en Autriche, pour discuter des termes de la prolongation de 9 mois d’un accord de baisse de leur production pétrolière. Après plusieurs heures de débats et de discussions, le cartel et les 11 pays producteurs non-Opep ont conclu un accord de principe qui prolonge de plus d’un an le plafonnement de la production. Explications.
Un accord historique pour un succès économique
L’explosion de la production américaine d’huile de schiste et la volonté internationale toujours plus forte de lutter contre le réchauffement climatique a fait drastiquement chuter les cours de pétrole depuis 2014. En 2016, les cours de brut ont même affiché des niveaux historiquement bas (26 dollars le baril) au grand désespoir des pays producteurs de pétrole dont une majeure partie de l’économie repose sur la bonne santé du marché des hydrocarbures.
Soucieux de renverser cette tendance, les pays membres de l’Opep ont décidé de prendre le problème à bras le corps. En décembre 2016, le cartel décide de se réunir à Vienne en compagnie de 11 pays producteurs partenaires (Azerbaïdjan, Brunei, Bahreïn, la Guinée équatoriale, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, la Russie, le Soudan et Sud Soudan). L’objectif de cette réunion d’urgence est de s’entendre sur une stratégie visant à réduire les stocks de pétrole afin de favoriser la remontée du prix du brut.
Fin 2016, l’Opep annonce avoir entériné un accord de réduction de la production pétrolière de 1,2 million de barils par jour. 10 pays non membres de l’Opep décident de se joindre à l’effort de réduction en s’engageant à laisser dans le sous-sol terrestre 558.000 barils par jour. Les stocks se réduisent, l’offre se raréfie, le pari est réussi : l’Opep et ses partenaires réussissent à faire remonter le prix du baril de Brent à 60 dollars.
La stratégie de l’Opep « a été plutôt satisfaisante pour réduire les stocks et peser sur le prix mais les shale oil restent toujours une menace. Le niveau des excédents de stock détenus par les pays occidentaux ont été divisés par deux depuis 2016 mais ils restent élevés, à hauteur de 200 millions de barils », explique Guy Maisonnier, ingénieur économiste à IFP Énergies nouvelles, aux journalistes de Connaissance des Énergies.
Une stratégie des quotas prolongée de 9 mois
Le prolongement de l’accord était donc au centre des préoccupations des pays membres de l’Opep. Réunis à Vienne pour leur 173ème réunion de la Conférence de l’Opep, l’ensemble des parties prenantes a donc décidé de maintenir la stratégie de plafonnement pour une période supplémentaire de 9 mois. Les quotas de production décidés fin 2016 resteront en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2018. Une décision qui est loin d’être surprenante.
« Le marché n’est pas encore totalement équilibré, il faut d’autres actions en commun après le 1er avril. Tout le monde a recommandé de prolonger l’accord », a expliqué Alexandre Novak, ministre russe de l’Énergie.
Jusqu’à présent exemptés de limitation de leur production, la Libye et le Nigéria ont été associés à la stratégie de plafonnement. Les membres de l’Opep ont en effet acté un quota de leur production cumulée à hauteur de 2,8 millions de barils par jour. Une décision qui diminue leur volume actuel de quelques 0,4 million de barils quotidiens.
« C’est un point important pour stabiliser le prix du pétrole, les hausses de leur production cette année avaient pesé à la baisse », précise M. Maisonnier.
L’Opep pris au piège de la concurrence américaine
La plus grande difficulté à laquelle fait actuellement face l’Opep est bien évidemment la concurrence féroce du schiste américain. En 2015, Washington inonde en effet le marché international grâce à une production massive de schiste. Résultat, le jeu de la concurrence fait baisser en un temps record le prix du baril. Grâce à une demande toujours plus forte et des gisements prolifiques, le secteur pétrolier des États-Unis affiche encore et toujours une santé économique solide… ce qui se révèle être un casse-tête pour l’Opep qui a dû couper sa production pour redresser la barre.
La tendance ne devrait d’ailleurs pas reculer de sitôt : l’agence Bloomberg estime que la croissance du schiste américain devrait osciller entre 500.000 et 1,7 million de barils quotidiens en 2018.
Les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) compliquent d’autant plus la donne pour l’Opep. L’AIE pressent en effet que les États-Unis représenteront 80% de la croissance de la production de brut d’ici 2025. L’essor de la production de pétrole de schiste va donc permettre à Washington de dominer le marché mondial du pétrole au cours de la prochaine décennie.